Depuis plusieurs jours, le phénomène alimentait bien des conversations. De toute la région, on accourait pour observer un curieux phénomène: d'étranges boules de lumière évoluant dans le ciel d'Ada, petite ville située à 110 kilomètres au sud-est d'Oklahoma City (États-Unis). John Bennett étant journaliste, il n'en fallut pas plus pour piquer sa curiosité. Il sauta dans sa voiture et, arrivé sur place, choisit un point d'observation lui assurant une vue dégagée sur la campagne environnante. La nuit tombait. Tout d'abord, Bennett ne prêta guère attention au rond de lumière orange qui apparut derrière un bosquet voisin. « Sans doute l'éclairage d'un ranch tout proche», se dit-il. Mais la boule lumineuse continua de grossir et bientôt elle se mit à se déplacer rapidement, tout en changeant continuellement de couleur!
Selon John Bennett, cette sphère lumineuse devait mesurer un mètre de diamètre environ. «Soudain, un morceau s'en est détaché. Il traversa le champ en rebondissant. On aurait dit un ballon de basket phosphorescent. Ces lumières s'éteignirent après quelques évolutions. » Un autre témoin raconta à Bennett qu'une boule de lumière tout a fait semblable s'était, une nuit, avancé droit sur lui: «Entre la boule et moi, il n'y avait qu'une simple clôture. Je n'ai pas bougé. J'avais l'impression que la chose me regardait droit dans les yeux...»
Ce type de témoignage n'est pas chose rare. Aux quatre coins du monde on recueille des récits identiques, et seules les appellations du phénomène divergent : les uns qualifient ces étranges lumières de boules de feu... pour les autres il s'agit d'ovnis ; on leur attribue en tout cas une origine surnaturelle. Or, depuis une quarantaine d'années, des chercheurs s'efforcent de cerner l'origine des «boules de lumière» et d'expliquer rationnelle- ment le phénomène. Conclusion: il semble qu'il ne faille pas chercher la solution aux confins de l'univers, mais directement sous nos pieds, dans les entrailles de la Terre...
OVNIS ET BOULES DE FEU
Les ufologues reconnaissent bien volontiers que certaines observations de «soucoupes volantes» correspondent en réalité à des phénomènes atmosphériques exceptionnels, nuages lenticulaires ou autres anomalies météorologiques. Il leur faut aujourd'hui admettre que nombre d'observations de prétendus ovnis sont à mettre au compte de ces fameuses «lumières terrestres», un nom que le chercheur anglais Paul Devereux a attribué au phénomène sur la base d'une hypothèse simple: les «boules de lumière» proviendraient des failles de l'écorce terrestre et non du cosmos...
Charles Fort (1874-1932), qui dut sa notoriété à ses travaux sur les phénomènes inexpliqués, fut l'un des premiers scientifiques à noter que d'étranges «météores» apparaissaient au moment même où se produisaient des secousses sismiques. Puis, au cours des années 1960, une poignée de chercheurs s'intéressa à la possible corrélation entre des observations d'ovnis et les lignes de failles géologiques. John Keele fut le premier ufologue à associer l'apparition de lumières étranges à des perturbations géomagnétiques plutôt qu'à des manifestations extraterrestres. Enfin, le français Fernand Lagarde lança la première étude quantitative sur le sujet : il prouva ainsi que 40 % des ovnis aperçus à basse altitude étaient signalés à proximité de fractures de l'écorce terrestre.
En 1975, les travaux de Paul Devereux et d'Andrew York-deux spécialistes des mystères de la Terre-, dressaient la topographie des phénomènes étranges relevés dans le comté anglais du Leicestershire. Là également, on constata qu'anomalies météorologiques -tels des «éclairs étranges»- et observations d'ovnis étaient toutes deux signalées à proximité des lignes de faille.
LIGNES DE FAILLE
Deux ans plus tard, en 1977, deux géologues canadiens, le professeur Michael Persinger et sa consœur Gyslaine Lafrenière, publiaient une étude analogue réalisée sur le continent nord-américain. Ils y mettaient à nouveau en évidence la corrélation existant entre les niveaux élevés d'activité ovni et les épicentres de tremblements de terre. Pour Persinger et Lafrenière, les boules de lumière identifiées à tort comme des ovnis seraient en fait des phénomènes électromagnétiques liés à une fluctuation des contraintes tectoniques, c'est-à-dire les mouvements de l'écorce terrestre.
Selon les deux géologues, les glissements tectoniques agitant régulièrement l'écorce terrestre peuvent très bien animer de vastes zones géographiques sans effet de surface significatif. Mais lorsque ces forces sont concentrées sur une petite zone de résistance ou d'instabilité géologique dépôts de minerai, lignes de faille, pics rocheux, collines ou montagnes-, elles provoqueraient d'étranges phénomènes lumineux aériens... Deux explications possibles à cela. Lorsque les plaques de l'écorce terrestre se déplacent vers une zone traversée de failles, les gigantesques forces qui entrent en jeu compriment les roches cristallines du sous-sol, ce qui est susceptible de générer une émission de lumière. Ce phénomène a déjà été étudié et enregistré.
Selon une autre théorie, quand les plaques tectoniques se frottent les unes aux autres, la production de chaleur issue de ce frottement transforme l'eau des roches en vapeur. Une vapeur d'eau qui se charge naturellement d'électricité tout en formant une gaine isolante autour de la faille... ce qui contraint la charge électrique à se déplacer au- dessus du sol. L'air situé au-dessus de la faille est à son tour ionisé, c'est-à-dire saturé de particules électriques; ce phénomène engendre un «plasma» lumineux-un gaz porté à haute température et riche en ions- qui se manifeste sous la forme d'une boule lumineuse flottant dans les airs... que des témoins non avertis s'empresseront de prendre pour un objet volant non identifié. De fait, selon le professeur Persinger, cette théorie des contraintes tectoniques expliquerait tout ou partie des observations d'ovnis. À ce titre, elle ferait une entrée fracassante dans l'ufologie.
SOUCOUPES VOLANTES ?
Au cours des deux décennies qui suivirent ce travail de pionnier, Persinger entreprit de nombreuses recherches afin de dévellopper et de peaufiner sa théorie. En 1986, il s'associales compétences de John Derr, éminent géologue et sismologue américain, pour mener une étude ponctuelle sur un phénomène jusqu'alors inexpliqué, survenu durant les années 1970 au cœur de la réserve indienne de Yakima, dans l'État de Washington.
Les forestiers de la réserve avaient vu- et photographié- d'énormes boules de lumière orange planant au-dessus des rochers, ainsi que des petites «balles de ping-pong» lumineuses rebondissant sur les crêtes. Ces phénomènes extraordinaires étaient accompagnés de manifestations atmosphériques très inhabituelles, en particulier la présence de gros nuages lumineux. Derr et Persinger démontrèrent que les boules de lumière de Yakima apparaissaient le plus souvent à proximité des corniches de la réserve -chacune étant traversée de nombreuses lignes de faille- et également près du Satus Peak, lieu où s'était produit l'un des plus grands tremblements de terre que la région ait connus. De fait, sept mois après les observations des forestiers, une importante secousse sismique venait confirmer l'activité tectonique du sous-sol, et conforter les deux chercheurs dans leurs certitudes.
Ironie du sort, la réserve Yakima jouxte les Cascades Mountains, ce massif montagneux où l'aviateur Kenneth Arnold aperçut, en 1947, neuf objets brillants virevolter autour de son avion. Est- ce à dire qu'Arnold s'est trompé, qu'il a pris pour des soucoupes volantes des phénomènes lumineux naturels émanant des montagnes qu'il survolait? La question est de première importance car cette observation demeure l'un des témoignages fonda-
teurs de l'ufologie. Même si ses travaux ouvrent la porte à un
doute légitime, il est vraisemblable que le Pr Per- singer ne pourra jamais venir contredire catégoriquement l'observation de Kenneth Arnold : il n'aura pas en mains les relevés sismographiques concernant la région des Cascades Mountains à ce moment précis de l'Histoire. Il est en revanche certain que les théories des contraintes tectoniques et des «lumières terrestres» vont prendre une importance croissante dans l'ufologie moderne. Des études conduites en Europe, précisément à Hessdalen, en Norvège, confirment cette tendance.
LES SECRETS DU CIEL DE NORVÈGE
Hessdalen, une localité située au cœur des gisements de cuivre Scandinaves, se trouve à environ 110 kilomètres au sud-est de la ville de Trondheim. Au mois de novembre 1981, les habitants des fermes isolées éparpillées le long de la vallée aperçurent d'étranges lumières se déplacer dans les cieux et le long des crêtes des montagnes avoisinantes. Ces lumières, pour la plupart de couleur blanche ou jaune clair, étaient soit en forme de sphère, soit en forme d'obus, la pointe dirigée vers le bas, soit en forme de sapin de Noël retourné. Les habitants signalèrent égale- ment de violents éclairs ainsi que d'impressionnants grondements souterrains.
En mars 1982, le ministère de la Défense norvégien dépêcha sur place deux officiers d'aviation pour faire un rapport. Durant l'été 1983, les observations étaient devenues si fréquentes que les ufologues norvégiens et suédois décidèrent d'unir leurs efforts et lancèrent une opération conjointe baptisée « Programme Hessdalen » : entre le 21 janvier et le 26 février 1984, la vallée entière fut surveillée, nuit et jour, au moyen d'une impressionnant batterie d'instruments de mesure, radars compris. Travaillant à des températures atteignant parfois moins 30° degrés, l'équipe réussit à capturer sur pellicule de nombreuses manifestations lumineuses et à faire un certain nombre d'enregistrements radar. En plusieurs occasions, alors qu'ils suivaient des yeux les fameuses «boules de lumière», certains membres de l'équipe ressentirent une étrange sensation d'ondulation dans la poitrine.
Dans un cas particulière- ment intriguant, les membres de l'équipe purent observer la trajectoire d'une lumière brillant dans le ciel, alors que le radar n'en recevait le signal qu'un balayage sur deux. Chose inexplicable car la source lumineuse semblait continue à l'œil nu.
Depuis 1984, la fréquence des observations dans la région de Hessdalen a nettement diminué, mais les recherches continuent. Et, en mars 1994, c'est là, dans la petite ville norvégienne, qu'un colloque scientifique international a réuni ufologues, géologues et spécialistes des mystères de la Terre, venus pour débattre des lumières terrestres.
L'UFOLOGIE DE DEMAIN
Pour de nombreux ufologues, l'option géologique des boules de lumière ne peut expliquer seule l'ensemble des observations d'ovnis, notamment celles, nombreuses, où des vaisseaux spatiaux furent aperçus en plein jour... Les géologues objectent sur ce point que, si les boules de lumière sont bien une sorte de «plasma» (c'est-à-dire un gaz à haute température chargé d'électricité), il est alors normal qu'elles présentent un aspect brillant et métallique, même en plein jour -ce qui expliquerait les « disques argentés » signalés par Kenneth Arnold et beaucoup d'autres témoins. Un groupe de recherche dirigé par Paul Devereux n'a-t-il pas récemment enregistré des anomalies géomagnétiques près du plus grand volcan mexicain, le Popocatepetl, et vu des boules de lumière voltiger aux environs? Le Mexique, pays qui connaît actuellement une vague d'ovnis sans précédent... Décidément, l'ufologie semble désormais devoir compter avec l'avis des géologues |