Le 21 octobre 1978, Frederick Valentich décide de quitter Melbourne, la ville côtière la plus au sud de l'Australie, pour rejoindre King Island, une des îles du détroit de Bass. À 18h 19, le jeune pilote de vingt ans décolle de l'aéroport de Moorabin à bord de son petit avion, un Cessna 182, déterminé à effectuer en un temps record un aller-retour pour rapporter des langoustes aux officiers du corps d'entraînement aérien. Il avait prévu son retour à Moorabbin aux environs de 20 heures. Environ une demi-heure après son envol, a19 h 06, Steve Robey, contrôleur du trafic aérien au Service de vol de Melbourne, reçoit un appel de Valentich: «Y a-t-il un trafic connu en dessous de 5 000 pieds?» Robey lui répond qu'il n'y a aucun autre avion attendu dans cette zone. La conversation enregistrée qui s'ensuit est tout à fait extraordinaire. Valentich répète qu'il voit un avion non-identifié passer à 1000 pieds au-dessus de lui et qui semble «jouer à une sorte de jeu». Intrigué, Robey demande au pilote de décrire l'objet qui passe au-dessus de lui. «C'est une forme allongée... il a une telle vitesse... il a une lumière verte et un aspect métallique, comme s'il était entièrement brillant sur l'extérieur... Il vient de disparaître. »
Valentich ajoute que son moteur a ralenti de façon incompréhensible mais qu'il espère tout de même pouvoir atteindre King Island. Soudain, d'une voix complètement bouleversée, il s'exclame:«L'étrange appareil vole de nouveau au-dessus de moi... et ce n'est pas un avion ! »
SILENCE RADIO
Ce furent les derniers mots que Robey entendit; Valentich ne parvint jamais à King Island et, à partir de ce moment, le jeune pilote et son avion furent déclarés officiellement «disparus». On lança de vastes recherches terrestres, aériennes et maritimes qui durèrent pendant cinq jours, mais on ne trouva jamais aucune trace de l'avion.
Cet incident donna lieu à une longue enquête qui ne délivra ses conclusions que quatre ans plus tard. Qui plus est décevantes : le rapport de mai 1982 estimait que «la raison de la disparition de l'avion n'avait pas été précisément déterminée».
Pourquoi le rapport a-t-il occulté l'enregistrement radio et les mystérieuses circonstances qui ont entouré la disparition de Valentich? On ne le saura probablement jamais, d'autant que sa conclusion s'appuie sur une multitude de suppositions plus ou moins fantasques.
LA TÊTE À L'ENVERS
Il fut avancé que, par un hasard extraordinaire, l'avion était entré en collision avec les débris d'un engin spatial ou quelques restes d'un météore pénétrant dans l'atmosphère à ce moment précis. Mais la longueur du contact radio entre Valentich et le contrôleur aérien exclut, de fait, cette éventualité.
Une autre thèse était que Valentich, réputé pour être une tête brûlée, conduisait son avion la tête en bas. Tétanisé par le reflux sanguin au cerveau, il aurait vu son propre reflet à la sur- face de l'eau en contrebas. D'après le rapport d'expertise, un trop long retournement aurait endommagé le moteur du petit avion de tourisme et l'aurait amené à s'écraser. Mais, là encore, le témoignage de Robey ne concorde pas avec ce scénario. Selon le contrôleur de l'aéroport et dernier homme à avoir parlé à Valentich, il était certes bouleversé par ce qu'il voyait mais il avait l'air en pleine possession de ses esprits.
C'est d'ailleurs cette lucidité d'esprit, perceptible sur l'enregistrement du contact radio, qui exclut une autre suggestion avancée par le rapport : il se serait trouvé dans un tel état de trouble qu'il aurait pris le phare de Cap Otway pour les lumières d'un avion. Indéfendable !
LA THÈSE DE LA DROGUE
Une autre explication a aussi été cherchée dans la vie personnelle de Valentich. Des rumeurs prétendaient que le jeune homme était impliqué dans un trafic de drogue, ou qu'il s'y était trouvé involontairement mêlé. Il est de notoriété publique qu'a cette époque, le détroit de Bass, reliant Melbourne à l'île de Tasmanie, était emprunté par les trafiquants de drogue volant à basse altitude avec leur cargaison suspendue dans des filets au ras de l'eau. Ils pouvaient ainsi les lâcher en mer en cas d'interception. Or, si Valentich transportait effectivement des « marchandises », il n'aurait certainement pas voulu se faire remarquer. Par ailleurs, si le jeune pilote avait été l'objet d'un règlement de comptes, il aurait su à quoi s'en tenir et ne se serait certainement pas dissimulé derrière une histoire aussi rocambolesque. Enfin, s'il avait effectivement croisé par hasard des trafiquants, la description des lumières de l'appareil qu'il a faite est absolu- ment incohérente car on imagine mal des trafiquants de drogue opérant sous les projecteurs !
Connaissant le caractère facétieux de Valentich, ses amis ont immédiatement pensé à un canular.
Et pour cause: le pilote, fasciné par les ovnis, venait de voir Rencontres du troisième type, un film dont l'intrigue offre une ressemblance frappante avec les événements qui ont conduit à sa disparition. Le contrôleur aérien Steve Robey reconnaît que, s'il avait voulu lui faire une farce, Valentich disposait de suffisamment d'essence pour voler jusqu'à l'île de Tasmanie mais souligna que ses collègues des aéroports voisins l'auraient repéré.
On peut alors imaginer que, pris à son propre jeu, le jeune Valentich a perdu le contrôle de son avion et s'est écrasé en mer mais Robey ne pense pas que ce soit plausible : «Il avait déjà 150 heures de vol à son actif. Je suis convaincu qu'il a vu quelque chose d'étrange. Que ç'ait été un ovni ou non, je n'en sais rien. » Les ufologues partagent en partie l'avis du contrôleur aérien. Valentich a effectivement vu quelque chose d'étrange, mais pas nécessairement un ovni...
RECHERCHES SECRÈTES
Selon le docteur Richard Haines, un psychologue de la Nasa, le jeune pilote a pu être victime d'une opération de défense de la « guerre des étoiles ». En effet, il semblerait qu'à l'époque de la disparition de Valentich, le service de renseignements de la Défense américaine (DIA - Defense Intelligence Agency) et l'Agence pour la sécurité nationale (NSA - National Security Agency) travaillaient à une installation top-secret, appelée «Pine Gap», destinée à tester la projection de rayons laser de forte intensité dans l'atmosphère. Installée dans les terres désertiques de l'intérieur de l'Australie, cette base était la première étape d'un programme de développement de la future arme d'une «guerre des étoiles». Haines rappela que deux ans après l'accident de Valentich, en 1980, des témoins ont raconté avoir vu des «boules de feu vertes » (semblables à celles décrites par Valentich) dans le ciel au-dessus de la forêt de Rendlesham, dans le comté du Suffolk, en Angleterre. Or, les services secrets américains mettaient alors sur pied un programme comparable à celui de Pine Gap sur le territoire britannique...
UNE NOUVELLE ARME
La thèse de l'arme militaire est partagée par l'auteur canadien Thomas Jean qui argumente son propos. Dans son livre Synthèse ovni, il s'attache exclusivement à la lueur qui tourne autour de l'appareil de Valentich. Elle ressemble étonnamment au fonctionnement du système d'interception d'une arme à plasma finalisée à la fin des années soixante-dix par l'armée américaine. Dévoilée par la revue scientifique américaine Fusion, en 1993, cette arme permet à deux émetteurs micro-ondes coordonnés ensemble de focaliser leurs puissances moléculaires à un endroit précis dans l'espace. Ainsi, un émetteur installé sur un atoll et l'autre sur un porte-avions, tous deux reliés à une station de poursuite radar, créent une boule de plasma brûlant de couleur verte se déplaçant à très grande vitesse (comme un ovni) pour intercepter par exemple une bombe nucléaire ou une fusée à tête chercheuse avec une redoutable efficacité.
Selon Thomas Jean, Valentich se serait trouvé malgré lui au milieu d'une expérimentation mili- taire américaine menée sur les côtes australiennes pour ne pas attirer l'attention des satellites russes. Compte tenu du caractère stratégique de cette technologie, les débris de l'avion auraient été récupérés dans le plus grand secret. Il suffisait ensuite de rendre un rapport d'enquête inconsistant et de laisser la rumeur d'ovni faire le reste.
VERSION OVNI...
Sous l'impulsion de la Société de recherche sur les ovnis de l'Etat de Victoria, basée à Melbourne, qui a recueilli le témoignage d'une famille ayant aperçu l'avion de Valentich et une lueur volant à ses côtés et les récits d'autres personnes ayant vu des objets volants au sud de l'État de Victoria plusieurs jours après ce fameux 21 octobre 1978, on continue aujourd'hui, en Australie, à croire que Valentich a été pris en chasse par un ovni et enlevé par les extraterrestres. C'est le cas de Guido Valentich, le père du pilote qui, lors d'un reportage diffusé en 1995, déclarait avec une touchante conviction: «Après dix-sept ans d'absence, je sais que mon fils est vivant et qu'il reviendra un jour parmi nous. » |