Aux premières heures du matin, le lundi 26 novembre 1979, Franck Fontaine, un camelot de Cergy-Pontoise, en banlieue parisienne, disparut, vraisemblablement victime d'un enlèvement par un ovni. Jean-Pierre Prévost et Salomon N'Diaye, deux de ses amis ayant assisté à «l'enlèvement» du jeune homme âgé de 18 ans, avertirent immédiatement la police qui mena avec diligence une enquête minutieuse. Mais on ne trouva aucune trace de Fontaine.
Le 3 décembre, une semaine après sa mystérieuse disparition, à la minute près, Fontaine réapparut miraculeusement. Il affirma ne pas avoir conscience d'une aussi longue absence de sept jours et n'avoir aucun souvenir de ce qui lui était arrivé. Selon ses propres déclarations, il avait simplement le sentiment de s'être assoupi quelques heures et il fut stupéfait de se retrouver au centre d'une prodigieuse attention médiatique.
Ce que Fontaine ignorait, c'est que pratique-ment à l'instant où son ami N'Diaye téléphonait à la police locale en déclarant:« Un de mes amis vient juste d'être embarqué par un ovni ! », les médias s'emparaient immédiatement du sujet. Les cas d'enlèvement par des ovnis sont en effet suffisamment rares sur le territoire français pour que les équipes de télévision et les journalistes de la presse écrite nationale aient décidé de multiplier les reportages et les interviews auprès des habitants de la cité.
Tous cherchaient le scoop et le moindre indice fut monté en épingle au cours des jours qui suivirent la disparition. À son retour, Fontaine découvrit son portrait à la une de tous les journaux et fut submergé de demandes d'interviews.
L'histoire dépassa même les frontières hexagonales et les médias du monde entier s'intéressèrent au cas Fontaine. Le lendemain du retour du jeune homme, le Times de Londres titrait: «Le Français revient sur Terre en état de choc. » Néanmoins, faute d'éléments, la couverture médiatique adopta peu à peu un ton détaché, personne ne sachant s'il fallait ou non prendre l'affaire au sérieux. Certains n'hésitaient pas à prétendre que le récit de l'enlèvement par Prévost et N'Diaye avait la même trame qu'un récit directement puisé dans une bande dessinée de science-fiction.
QUE S'EST-IL PASSÉ ?
La nuit en question, les trois amis n'avaient dormi que quelques heures dans la tour où résidait Jean- Pierre Prévost avant de se lever à 3 heures 30 du matin pour charger leur voiture de vêtements à vendre. Ils devaient arriver tôt à Paris pour avoir une chance d'obtenir une bonne place au marché.
Hélas, leur Ford Taunus de type break vieillissante rechignait à démarrer et la température nocturne de saison n'arrangeait pas les choses. Ayant chargé une partie des vêtements, les trois hommes firent enfin démarrer la voiture en la poussant et il fut décidé que Fontaine resterait au volant au pied de la tour pour éviter que le moteur ne cale. De leur côté, Prévost et N'Diaye devaient finir le chargement du véhicule.
Alors que ces derniers étaient retournés dans l'immeuble, Fontaine remarqua avec stupéfaction une lumière vive et cylindrique dans le ciel. Lorsque ses amis revinrent à la voiture, lestés de cartons de frusques, il leur désigna du doigt la lumière immobile. Les trois compagnons contemplèrent l'objet jusqu'à ce que N'Diaye suggère d'en faire des clichés, avec l'idée que ceux-ci pourraient être vendus à la presse locale. N'Diaye et Prévost retournèrent chercher le dernier chargement et l'appareil photo dans la tour, laissant Fontaine toujours assis au volant de la voiture.
UNE INEXPLICABLE DISPARITION
Au moment où les deux hommes atteignirent l'appartement, ils entendirent au loin le bruit caractéristique de la vieille Ford qui se déplaçait. Regardant par la fenêtre, ils virent le véhicule s'engager sur la route proche de la tour. Puis la voiture s'arrêta et le moteur cala. Maugréant contre Fontaine qui avait laissé le moteur s'arrêter, N'Diaye et Prévost se précipitèrent en bas avec leurs derniers sacs. Mais, en arrivant dehors, ils furent sidérés de voir l'arrière de la voiture enveloppé par une sphère ressemblant à de la brume. Ce qui se produisit ensuite fut tout bonnement stupéfiant.
Il semble qu'un rayon de lumière soit soudain apparu près de la voiture et que son diamètre se soit accru jusqu'à ce qu'il devienne la forme cylindrique que les amis avaient vue un peu plus tôt dans le ciel. Puis, la sphère de brouillard réapparut et pénétra dans le cylindre nouvellement constitué. La lumière s'élança alors dans les airs et disparut.
N'Diaye et Prévost se précipitèrent à la voiture pour voir comment allait Fontaine mais il n'était plus là. Ils inspectèrent le champ de choux près de la route à la lampe électrique, mais ne trouvèrent aucune trace du jeune homme. Prévost, inquiet pour la sécurité de son ami, suggéra alors d'appeler la police.
CONVICTIONS
La police locale, perplexe devant le récit de Prévost et N'Diaye, les invita à informer la gendarmerie, plus habilitée à traiter les affaires d'ovnis. Au cours de la journée, les deux hommes subirent donc les interrogatoires répétés des gendarmes de Cergy-Pontoise. Le commandant Courcoux déclara alors à la presse impatiente « qu'il n'y avait aucune raison de ne pas croire à l'histoire des deux hommes. Quelque chose s'était certainement produit». La question était de savoir ce qu'était ce «quelque chose».
Lorsque Prévost et N'Diaye quittèrent les gendarmes, ils furent assiégés par les journalistes. Dans la semaine qui suivit, ils multiplièrent les interviews et les émissions radio, répétant inlassablement leur histoire. Le lundi suivant, lorsque Fontaine réapparut comme par miracle, ce rebondissement tombait à pic dans la tempête médiatique, mais les journalistes en furent pour leurs frais : Fontaine n'avait rien de neuf à apporter pour éclairer le mystère et semblait hébété.
UN ABDUCTÉ DANS LES CHOUX
Il déclara fort à propos s'être réveillé dans les choux, en plein milieu du champ bordant la grande route où il avait disparu. Présumant qu'il s'était endormi et qu'il avait raté le départ de ses amis pour le marché, il se rendit directement à l'appartement de Prévost. N'y trouvant personne, il alla chez N'Diaye et le trouva assoupi. Ce dernier, à la plus grande surprise de Fontaine, lui raconta qu'il avait disparu depuis une semaine.
La police, rapidement informée, conclut qu'en l'absence de crime le dossier était clos. C'était sans compter les différentes associations d'ufologues captivées par l'affaire, et qui n'étaient certainement pas disposées à abandonner un cas aussi intéressant.
L'Institut mondial des sciences avancées, une structure alors inconnue fondée par le célèbre écrivain de science-fiction Jimmy Guieu, s'était placé dès le début sur les rangs. Guieu, déjà auteur de deux livres sur les ovnis, exprima immédiatement une ferme croyance dans l'histoire.
Au retour de Fontaine, Guieu invita donc les trois amis à s'isoler en sa compagnie pour écrire un récit détaillé de l'affaire. Quatre mois plus tard, le livre Contact Ovni Cergy-Pontoise, publié par les Editions du Rocher, était dans toutes les librairies.
Accusé par les critiques de ne pas porter un regard objectif sur l'affaire, Guieu rétorqua qu'il n'avait pas trouvé de faille dans les récits de N'Diaye, Prévost et Fontaine. Pourtant, un autre groupe ufologique français, Control, souligna un grand nombre d'incohérences qui jetèrent un doute considérable sur la véracité des affirmations du trio.
DES FAILLES DANS LE RÉCIT
Control pointa, par exemple, le témoignage de Jean-Pierre Prévost. Ce dernier affirmait que c'était lui et non Fontaine qui était le véritable objet de l'attention extraterrestre. Il alla même jusqu'à déclarer que, suite à l'enlèvement de Fontaine, il avait été personnellement contacté par les extraterrestres et avait été emmené dans une base secrète, située en pleine campagne, où il avait rencontré un extraterrestre nommé Haurrio.
Les affirmations délirantes de Prévost ébranlèrent la crédibilité de l'histoire originale. Bien que refusant de se soumettre aux séances d'hypnose supposées accélérer le processus de l'enquête, Fontaine commença spontanément à se souvenir de certains des événements qui, affirmait-il, s'étaient produits durant la semaine de son enlèvement. Il raconta avoir fait des rêves étranges et troublants dans lesquels il se voyait dans une grande pièce, avec des machines alignées le long des murs. Là, on lui aurait intimé de s'allonger sur un petit divan tandis que «deux sphères brillantes » lui proposaient des solutions aux problèmes sur Terre. Comme il ne put fournir plus de détails, peu de gens prirent ses fameux «souvenirs » au sérieux.
DE VRAIS MENSONGES ?
Control rappela ensuite que les tout premiers officiers de police arrivés sur les lieux avaient signalé avoir, eux aussi, aperçu distinctement des «traces de brume» entourant la Ford Taunus.
Pour certains, l'histoire commençait à avoir un parfum de machination. Néanmoins, pour les inconditionnels du cas Fontaine, le trio n'aurait jamais agencé des effets aussi compliqués pour corroborer un récit fictif. «Justement si!» répond Jacques Vallée. Selon l'ufologue français qui avait classé le cas de Cergy-Pontoise en RR4 (contact rapproché avec un occupant d'ovni ), tout incite désormais à croire que, dans le cadre d'une sorte d'exercice portant sur une tentative de contrôle social, les militaires français avaient organisé l'enlèvement et gardé Fontaine dans un état de semi-conscience durant sa semaine d'absence. Vallée affirma que des contacts au sein de l'armée de l'air française lui avaient confirmé cette information.
Malgré le fait que Jacques Vallée n'ait fourni aucune preuve, ses affirmations sont, pour de nombreux ufologues, profondément intrigantes. À l'instar de nombreux chercheurs américains qui suspectent le phénomène ovni d'être lié au complexe militaro-industriel occidental, Jacques Vallée pourrait avoir vu juste. Dans ce cas, on est en droit de supposer que le récit exagéré et fantaisiste de Jean-Pierre Prévost est destiné à limiter les risques d'enquête trop poussée.
Néanmoins, ces affirmations demeurent spéculatives et, en dernière analyse, il semble que l'on soit dans la même perplexité que celle exprimée par le commandant de gendarmerie Courcoux à l'issue des interrogatoires qui suivirent le prétendu enlèvement. Nous savons que quelque chose s'est produit à Cergy-Pontoise cette nuit-là, mais nous ne savons toujours pas ce qu'était ce « quelque chose ». |