En 1996, les travailleurs d'une usine ont vécu une expérience «ovni» qui en dit long sur les illusions d'optique collectives. Au début du mois de juin, alors que les employés d'une usine d'emballage de Tewkesbury basée dans le Gloucestershire (Angleterre)s'affairaient comme à l'ordinaire, une boule de lumière blanche, de la taille d'une balle de tennis, traversa le toit du bâtiment et voltigea autour des poutrelles du plafond. La boule, qui crépitait et projetait des étincelles, plongea dans l'usine,envoyant des décharges électriques aux membres du personnel et endommageant les équipements. Le globe mystérieux finit par exploser dans un vacarme assourdissant, cognant une fenêtre et laissant les employés muets de stupéfaction.
Juste avant cet événement choquant, à des kilomètres au-dessus de l'usine, un avion traversait les lourds nuages d'orage qui assombrissaient le ciel de juin quand une boule d'énergie pure s'était soudain matérialisée près du fuselage, comme jaillie de nulle part. C'est cette même boule qui fondit ensuite sur la Terre pour faire irruption dans l'usine d'emballage. Mais qu'en était-il exactement de cet ovni? Était-ce un de ces chasseurs fantômes si souvent signalés pendant la Seconde Guerre mondiale, ou un phénomène plus banal, jusque-là négligé par la science ?
OVNI OU... ÉCLAIR EN BOULE ?
Il semble que l'engin en question n'était qu'un éclair en boule, phénomène météorologique dont les scientifiques nièrent longtemps l'existence. Mais ces dernières années, le nombre écrasant d'arguments plaidant en faveur de ce phénomène - y compris des photos - a finalement contraint les scientifiques à reconnaître l'existence de l'éclair en boule.
Nous avons choisi cet exemple pour deux raisons. D'une part, il démontre l'entêtement des scientifiques à nier un phénomène pour lequel il existe des preuves évidentes. D'autre part, il met en évidence d'importantes lacunes en matière de connaissance météorologique - ce qui n'est pas sans avoir des effets sur l'analyse des observations d'ovnis.
LA SCIENCE PRISE EN DÉFAUT
Les étudiants en histoire des sciences pourront y voir un parallèle avec le Français Antoine de Lavoisier (1743-1794), le père de la chimie moderne, célèbre pour avoir soutenu qu'il était impossible que des roches tombent du ciel... Dans un discours à l'Académie des sciences au cours des années 1770, Lavoisier affirma que, les roches n'habitant pas dans les
cieux, elles ne pouvaient pas tomber sur Terre. C'est la raison pour laquelle la communauté scientifique a mis si longtemps à accepter l'existence des météorites.
De nos jours, on confond souvent les météo- rites, les éclairs en boule et d'autres phénomènes naturels avec les soucoupes volantes. Depuis les années 1960, on sait que plus de 90% des observations d'ovnis peuvent trouver une explication dans des phénomènes naturels ou technologiques. Mais, devant ce grand nombre d'interprétations possibles, certains chercheurs craignent que les enquêteurs ne se contentent d'explications banales, alors même que les arguments semblent indiquer de manière infaillible que l'on se trouve dans le domaine de l'invraisemblable.
Le docteur Donald Menzel, ancien professeur d'astrophysique à l'université de Harvard et grand spécialiste des récits d'ovnis, a été le premier ufologue à présenter un large éventail d'erreurs d'identification. En 1969, lors d'une communication devant American Association for the Advancement of Science («Association américaine pour le progrès scientifique»), Menzel dévoilait sa liste d'objets volants identifiés (OVI), soutenant qu'il finirait ainsi par démystifier tous les récits ayant trait aux soucoupes volantes.
Menzel divisait ses «OVI» en huit catégories: matérielle (avions, ballons et feux d'artifice), immatérielle (formations nuageuses et phénomènes météorologiques), astronomique (étoiles et planètes), physiologique (problèmes oculaires et images imprimées sur la rétine), psychologique (hallucinations et hystérie collective), photographique (double exposition et problèmes de développement), anomalies radar et... canulars. Sa contribution arrivait à point nommé pour secouer l'ufologie en la mettant au pied du mur. Malheureusement, le passage de la théorie à la pratique laissa beaucoup à désirer. Et Menzel déçut...
MENZEL OU L'ARROSEUR ARROSE
Parmi les OVI de Menzel apparaissaient d'étranges propositions, telles que les toiles d'araignée, les bulles de savon, les insectes ou les mégots de cigarettes. Son désir de couvrir absolument tous les cas de figures au risque de faire appel à des théories grotesques a rendu les observateurs d'ovnis plus crédibles que les scientifiques qui vérifiaient leurs allégations. À vouloir trop bien faire, Menzel, sorte d'arroseur arrosé, avait fini par discréditer ses propres thuriféraires. Un autre scientifique, le docteur James McDonald, ancien directeur de l'Institut de physique atmosphérique de l'université d'Arizona, se montra plus objectif; ayant procédé à des vérifications ultérieures, il démontra que nombre des propositions de Menzel étaient «absurdes» et que, le plus souvent, il ne faisait pas le distinguo entre les « inconnus » et les cas avec des « données insuffisantes».
YEUX OUVERTS, ESPRITS FERMÉS
Comme dans tous les domaines de la recherche sur les phénomènes inexpliqués, les sceptiques, obsédés par l'idée de trouver une explication rationnelle, peuvent en arriver à nier l'évidence. De la même façon, des ufologues omettront volontairement certains détails pour qu'un cas s'intègre mieux à leurs théories. D'un côté comme de l'autre, les torts sont partagés.
Les ufologues et les chercheurs feraient bien de tirer profit de l'histoire de J. B.W. Brooks, un officier des services secrets de la RAF. En 1967, alors qu'il promenait son chien dans Moigne Downs, dans le Dorset (Angleterre), Brooks vit un long vaisseau fin et presque translucide se diriger vers lui. Comme l'objet se rapprochait, deux fuselages émergèrent de ses flancs, formant une croix par- faite, d'environ 50 mètres de large, qui s'éleva dans le ciel matinal et disparut.
LE MAUVAIS ŒIL
Voilà donc un observateur qualifié de la RAF, ancien directeur de vol chez British Airways qui, un peu avant midi, voit un vaisseau d'une cinquantaine mètres, à environ 250 mètres de l'endroit où il se trouve. Etant donné ses qualifications et son expérience, on n'aurait pu rêver meilleur observateur d'ovni. Et pourtant, quand les psychologues de la RAF et les enquêteurs du ministère de la Défense se sont finalement penchés sur son cas, leur conclusion a été pour le moins ahurissante, tant et si bien qu'elle reste une des perles des annales de l'ufologie: selon eux, Brooks n'aurait vu que quelques cellules mortes flottant dans l'humeur vitrée de ses yeux. Un exemple aussi limpide de détracteurs pour- suivant leur idée malgré les évidences donne une bien piètre opinion de l'objectivité des enquêteurs. Si l'on veut avancer sérieusement dans l'étude des ovnis, les enquêteurs doivent rai-
son garder... et ne plus nier les faits. Sinon, les plus fous finiront par ne plus être ceux qu'on croit... |